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l'écrivoire
30 septembre 2013

En retard... (partie 7 : le basculement dans l'illégalité)

Atelier du 26/06/2013

 1.KEVIN

Fin de soirée, dure journée au boulot, Kevin est crevé, et il a vraiment pas envie de se coltiner du métro compressé comme une sardine dans sa boîte pour rentrer chez lui. Mais bon, il est comme tout le monde, il a pas le choix. C’est donc résigné qu’il descend dans ce trou aménagé pour y faire passer des trains. Mais quand il rentre dans le métro, surprise, celui-ci n’est pas bondé. Mieux encore, il y a une place de libre ! Kevin s’y précipite, ignorant superbement la grand-mère qui convoitait certainement d’y soulager son dos. Kevin sort juste d’une grippe, lui aussi il est crevé, c’est bon hein. N’empêche, cette place, c’est une chance. Mais pas illogique cela dit, Kevin lisait encore l’horoscope ce matin, et pour les Taureaux ça disait : au travail, ce sera pourri –ça s’est vérifié–, en amour, ce sera pas reluisant non plus –il s’est rien passé, comme depuis 3 ans maintenant, donc on peut dire que ça s’est vérifié aussi–, et côté chance, là par contre ça devait sourire. Et ben voilà, une place dans le métro, c’est déjà ça. Soudain, il sent quelque chose sous son pied qui traîne nerveusement sous son siège. Se baissant, il découvrit un improbable cadeau, une clef USB. Quel coup de bol, lui qui avait justement perdu la sienne la semaine dernière ! Kevin était rassuré, la fin de la journée allait lui sourire. Franchement, des fois, ils sont balaises ces astronomes !

2.HENRI & VINCENT

Henri pianota nerveusement son code d’accès sur la porte blindée. D’ordinaire il faisait ça machinalement, faut dire que dans les couloirs du ministère de la défense, y’en a partout des portes comme ça, au point qu’il faut faire trois fois son code pour aller aux toilettes. Pas très pratique quand même, mais au moins, ça force l’habitude. Pourtant cette fois, Henri dût s’y reprendre à deux fois pour faire son code. Il était un peu nerveux. Il devait aller voir Vincent, son supérieur hiérarchique, et il n’avait pas de bonnes nouvelles.

-        « Vincent ! » s’exclama-t-il bruyamment en entrant assez impoliment le bureau. « Je suis mal embarqué, je ne retrouve plus la clef USB ! ».

-        « Quelle clef ? » demanda Vincent apparemment accoutumé des aises de son collaborateur.

-        « Celle avec les derniers plans de l’OTAN en cas d’attaque terroriste sur Kaboul. »

-        « Quoi ? Tu te fous de moi ? Mais comment tu as pu… Non, en fait je ne veux pas savoir. Le type de l’OTAN débarque la semaine prochaine, il nous faut ces plans sinon les français vont encore passer pour des guignols. Tu te démerdes comme tu veux Henri, tu as retrouvé cette clef d’ici-là. Je te fais pas un dessin de ta carrière si tu l’as pas ».

Henri acquiesça et retourna sans mot dire dans son bureau. Il était vraiment mal embarqué.

3.KEVIN

Kevin brancha la clef USB dans son PC. Évidemment, y’avait des documents dessus. Il avait secrètement espéré qu’il s’agisse de la clef d’une jolie nana qui aurait enregistré des photos cochonnes avec son mec. Ou une sex-tape. Ou encore mieux, des photos ou une vidéo, mais entre filles ! Mais non, rien de tout ça. Des schémas. Compliqués. Vachement compliqués. Oulalà. En fait, on dirait un truc secret. D’ailleurs, y’a l’image bleu-blanc-rouge avec la fille avec son bonnet là, en bas à gauche. Et y’a écrit ministère de la défense. Mieux, y’a écrit secret défense ! C’est sûr, c’est des documents d’agents secrets !!! Kevin se dit quand même qu’il devrait la ramener. Si ça se trouve, c’est les plans d’une nouvelle arme, et comme il les a vu, les agents secrets auront pas d’autre choix que de lui donner des thunes pour qu’il se taise. Ou autre !

4.PIERRE

Pierre soupira comme il en avait souvent l’habitude. Non pas qu’il fut d’un naturel râleur, n’était-il pas, après tout, celui qui faisait toujours les conneries et faisait marrer les copains depuis tout petit et jusqu’à l’école de police ? Mais franchement, la vie de flic, c’était pas ce qu’il espérait. Bien sûr, il n’avait jamais rêvé de sauver la veuve et l’orphelin, ça honnêtement, quand on a grandit dans la cité, on s’en moque un peu. Bien sûr aussi, l’attribution de poste dans les pires banlieues qu’on réserve toujours aux jeunes fonctionnaires histoire de les bizuter un peu, ça l’avait pas désolé plus que ça. Il avait grandi dans un coin similaire après tout. Non, ce qui le faisait vraiment soupirer, c’était le boulot en lui-même. Lui, il voulait de l’action, espionner, interpeller, courser en voiture… Et pas rester croupir toute la journée derrière un guichet à remplir la plainte du 800ème mec à qui on a encore fauché son portable ! Et sans parler de la paye, une misère ! Être payé aussi mal pour risquer sa peau –enfin, pas la sienne–, y’a quand même de quoi soupirer une nouvelle fois…

…ce que Pierre ne manqua pas de faire quand entra un jeune homme dans le commissariat et se dirigea vers lui. Certainement encore une plainte… Mais non, le type lui raconte avoir trouvé une clef USB, avec des plans secrets d’on-ne-sait-quoi. Pierre n’y crut pas une seconde jusqu’à ce qu’il voie lui-même les fameux documents. Incroyable, mais vrai. C’étaient de véritables plans, d’un avion apparemment, classifiés, avec la Marianne du ministère de la défense. Pierre compris immédiatement qu’il pourrait tirer un bon prix de ça. Il avait connu un tuyau, un pote qui filait des docs pour des sortes d’agents secrets d’un obscur pays en « stan ». Ils donneraient sans doute un bon prix pour ça. Bon, c’était quand même un peu limite, mais tant pis, la France elle a qu’à pas le payer aussi mal. Faut manger quand même !

5. KEVIN

Kevin rentra chez lui sans sa clef USB. Le flic la lui avait confisquée, bien sûr. Mais lui, il en avait fait une copie chez lui, quand même, par sécurité. Et il l’avait mentionné au flic, il s’était dit que s’il voulait récupérer un peu de sous il fallait la jouer honnête. Du coup, le flic lui avait dit de garder le secret pour lui, de rentrer à la maison et d’attendre la venue des agents du ministère. Cela faisait déjà quelques jours et les agents ne venaient pas. Kevin commençait à se demander si on s’était pas foutu de lui.

6.PIERRE

Pierre soupira. C’était vraiment trop con ce qui venait de lui arriver. Il avait activé son tuyau, et devait rencontrer deux bonhommes dans la semaine. Mais quand il les rencontra, il n’avait plus la clef USB, et pour cause, le soir même où il l’avait confisquée sa crétine de femme avait décidé qu’il était temps de mettre les vêtements en machine et au sèche-linge, et comme la clef était dans sa poche… Ben voilà, bousillée la clef. Il n’était pas d’un naturel colérique, mais là franchement, la madame, elle avait mérité sa torgnole. Du coup, quand les types sont arrivés, un certain Yvan et un certain Alexandre, prénoms qui soit dit en passant évoque pas vraiment le trucmuchistan, et bien, il a été obligé de les rediriger vers ce Kevin je-sais-plus-quoi dont il avait pris les coordonnées. Il leur avait dit de se faire passer pour des agents du ministère de la défense, et avait espérer obtenir une petite commission pour le tuyau. Ils avaient répondu « on te paiera quand on aura les documents ». Mouais… Pierre doutait qu’ils reviennent le voir un jour, et pensait plutôt s’être bien fait enflé. En tout cas, en attendant, lui n’avait plus qu’une seule chose à faire, écouter les gens se plaindre à son guichet.

7. KEVIN

Kevin regarda l’enveloppe d’un air circonspect. Il se demandait s’il avait eu tant de chance que ça finalement. Certes, les deux agents du ministère de la défense, l’agent Yvan et l’agent Alexandre avaient bien fini par venir. Certes, ils lui avaient donné de l’argent contre son silence, comme il l’espérait. Pas énormément, mais c’était déjà ça. Et Kevin leur avait demandé de lui faire signer un papier officiel. Parce qu’on la lui faisait pas, à Kevin, lui il voulait pas d’embrouilles, c’était peut être secret, mais fallait que ça soit légal. Et on lui a toujours dit, pour que ce soit légal, faut un papelard ! Et les agents, après s’être regardés franchement bizarrement, le lui avait donné. En fait c’était plutôt l’instant d’après qui l’a inquiété, le moment où l’un des deux types a sorti son flingue pour le menacer de mort s’il parlait d’eux. Ça, il s’y attendait pas, même pour des agents secrets, surtout qu’il venait de leur donner un coup de main ! Et il s’attendait encore moins à ce que les agents lui piquent son ordinateur, surtout quand il y a à peine de quoi le racheter dans l’enveloppe ! Non franchement, Kevin commençait à douter.

8. HENRI & VINCENT

Henri débarqua, une fois n’est pas coutume, sans frapper dans le bureau de Vincent. La moiteur de sa chemise n’arrangeait pas son apparence déjà entamée par une bien déraisonnable obésité. Henri pourtant avait l’air soulagé.

-        « C’est bon je l’ai ! » clama-t-il d’un air triomphant.

-        « La clef ? Tu l’as récupéré ? Où ça ? » demanda Vincent avec pour sa part une certaine nervosité.

-        « En fait elle était rangée dans l’armoire sécurisée, mais comme d’ordinaire j’y mets jamais rien dedans, j’avais pas pensé à y jeter un œil ».

Vincent baissa les yeux comme pour traiter son collaborateur d’incapable, mais n’en fit rien. Il en avait tristement l’habitude.

9. KEVIN

Quand des gars du contre-terrorisme débarquèrent chez lui en défonçant quasiment la porte, Kevin ne comprenait plus très bien. Et il comprit encore moins quand on l’accusa de complicité avec des terroristes du Daguestan, de leur avoir fourni des plans classifiés contre rémunération, et d’en avoir gardé une trace écrite –drôle d’idée d’ailleurs– signée de sa main ! Lui jurait n’avoir fait que filer en toute légalité un coup de main à des agents secrets du ministère de la défense ! Et quand un des gars lui dit que les terroristes avaient été arrêtés et que les documents qu’il leur avait transmis étaient bidons, mais que y’avait peu de chances que ça soit considéré comme une circonstance atténuante par le juge, là il ne comprit plus du tout. Il ne put faire qu’une chose, maudire les astronomes qui vous font croire dans leurs horoscopes que les Taureaux malheureux au travail et en amour pourraient avoir de la chance ailleurs.

10. HENRI & VINCENT

Vincent frappa à la porte d’Henri avant d’entrer. On venait de lui signaler qu’il manquait une clef USB dans sa section, or Henri jurait avoir retrouvé celle qu’il avait perdu. Quand il s’enquit de comprendre de quoi il retournait, Henri s’attela à le rassurer :

-        « T’inquiètes pas Vincent, la clef qui a été perdue, c’est pas celle de l’OTAN, c’est une autre qui n’a rien à voir, c’était une à moi, y’avait rien de vraiment sérieux dedans. »

Vincent ne comprenait plus rien à ces histoires de clef USB.

-        « Mais si on vient de me le signaler, c’est que c’est une clef du ministère ! » s’exclama-t-il en perdant légèrement patience, ce qui était rare chez lui « qu’est-ce que c’est que cette histoire ? »

-        « Ben… » répondit l’autre, penaud « tu sais que mon fils et moi, on est passionnés par les maquettes. Une fois j’ai même fait une tour Eiffel avec des allumettes et on m’a invité à un dîner mondain pour en parler. Là, comme c’était l’anniversaire de mon fils, je lui avais dessiné les plans d’une superbe maquette d’avion, un Mirage super réaliste. Pour l’impressionner, j’avoue avoir pris les en-têtes secret défense du ministère, avec la Marianne et tout. Et comme j’avais fait ça sur mon ordinateur ici et que j’avais rien sous la main pour lui apporter ensuite, j’ai pris une clef du ministère et… je l’ai perdu dans le métro. Y’avait rien de vraiment confidentiel dessus. Mais t’inquiètes pas, je suis passé chez Toy’s are us lui acheter une maquette d’avion, et au final il était très content ! »

Vincent ne savait pas par quoi commencer, entre dessiner des maquettes au boulot ou prendre des clefs USB du ministère comme si de rien n’était. Il observa finalement un instant de silence pour réfléchir, durant lequel il se remémora une étrange histoire qu’il avait entendu ce matin même à la machine à café. Des gars de l’Intérieur de passage racontaient qu’on venait d’arrêter un type qui avait quand même réussi à vendre à des terroristes daghestanais les plans d’un jouet en forme d’avion en leur demandant en plus un reçu ! Ils s’en bidonnaient tellement que l’un d’eux avait renversé son café, et l’espace d’un instant, Vincent se demanda si ça pouvait avoir un lien avec tout ça. Se reprenant, il fit un choix sur l’ordre de ses reproches et déclara d’un ton sévère :

-        « Henri, prendre les clefs USB du ministère pour un usage privé, c’est illégal. »

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